Le nouveau paysage religieux en Europe à l'orée du troisième millénaire
On assiste aujourd'hui, au plan mondial, à une multiplication de nouveaux courants et groupes spirituels qui représente un véritable défi à l'évangélisation.
L'auteur voulait faire un point sur le tableau de ce nouveau paysage religieux aujourd'hui en Europe, pour en dégager quelques appels pour l'évangélisation et la pastorale.
En première partie, il commence par un descriptif de la pointe émergée, et donc la plus visible, de cet iceberg important que constitue la nouvelle religiosité, à savoir le surgissement de nouveaux mouvements religieux et sectes. En deuxième partie, l'analyse s'élargit vers le retour actuel de la recherche spirituelle et de la mystique - spécialement par la voie gnostique, mais hors christianisme. Dans la dernière partie, on verra le constat à l'ensemble des spiritualités et religions hors frontières, pour proposer quelques orientations pour l'évangélisation.
I. La nouvelle religiosité en Europe - Sectes et nouveaux mouvements religieux
1. Évolution générale
Le paysage sectaire est sensiblement identique dans l'ensemble de l'Europe. Le foisonnement des groupes (de trois cent cinquante à quatre cents) se poursuit en tous milieux, alimenté, à la fois, par une inculture religieuse croissante et par l'aimantation des mystiques orientales, des recherches de spiritualités dans la mouvance du Nouvel Âge et des nouvelles thérapies ou psychotechniques élevées au rang de religions-substitut. On voit ainsi surgir une multitude de groupuscules pseudoreligieux autour d'un leader (gourou, professeur, berger, maître, etc.). Mais dans ces surgissements, les frontières sont floues entre les groupes sains et les déviants dangereux. Ne dénombre-t-on pas annuellement, en France, par exemple, plus de mille déclarations au Journal Officiel de nouveaux groupes spiritualistes ?
Les groupes fondés sur la Bible, de confession chrétienne ou non, sont stationnaires ou en baisse. Pour la première fois, le taux de croissance des Témoins de Jéhovah est devenu négatif en Europe, avec un proclamateur pour trois cents à cinq cents habitants : Portugal et Italie : 0% ; Allemagne, Autriche, Pologne, Angleterre et Espagne : -1% ; France : -3% (en 1988 : +7%). Les Mormons sont environ vingt-cinq mille en France.
Les groupes qualifiés couramment de « nouvelles sectes » (AUCM de S. M. Moon, Association internationale pour la conscience de Krishna, etc.) sont stationnaires (moins de cinq cents adhérents ou sympathisants en France), voire en nette régression comme les Enfants de Dieu (« La Famille »). La Scientologie qui continue un démarchage très actif, fait exception.
L'ensemble des mouvements qui, hier, ont défrayé la chronique par leur pratique de la manipulation mentale, de la dislocation des familles, de la mainmise sur les biens des adeptes et du recrutement dans la rue en milieux de marginaux, se sont faits aussi plus discrets, sous les coups des actions convergentes des associations de familles, du fisc et de la justice. Ils recrutent, aujourd'hui plus volontiers, dans les cadres supérieurs, les professions libérales, en proposant un cocktail de nouvelles spiritualités (souvent empruntées à l'Orient) et de psychotechniques pour devenir l'homme efficace et le gagneur à qui tout réussit. Ils ont pris le profil bas et recrutent sous couvert d'associations culturelles, éducatives, antidrogue.
La multiplication, en particulier, des psychotechniques et mouvements de développement du potentiel humain, à côté des méthodes de méditation et d'exploration de la conscience, traduit un besoin d'intériorité, de bonnes relations, d'un « être à l'aise dans son corps, son esprit, sa sexualité ». Il en est de même de certaines médecines « douces », « alternatives », auprès desquelles on recherche à la fois santé et salut.
Ces groupes servent parfois de « religions-substitut » à de nombreux « chercheurs », mal à l'aise dans une société marquée par le rationalisme et le primat de la technique. Psychotechniques et nouvelles thérapies représentent ainsi aujourd'hui un gisement financier d'importance. Il intéresse alors des gens qui les instrumentalisent en sectes source de bénéfices juteux (voir la Scientologie, l'Institut International de Recherche sur l'Énergie de l'Homme et de l'Univers : l'IHUERI).
À noter aussi le succès des poussées nouvelles autour de l'Orient (centres de Zen et Yoga, monastères bouddhistes spécialement tibétains, techniques de méditation comme la Méditation transcendantale). Mais nous ne sommes pas ici dans le domaine précis des sectes. Ce succès signifie d'abord que le christianisme n'est plus le seul pôle autour duquel s'oriente la recherche spirituelle.
L'ensemble de ces chercheurs spirituels hors Église sont souvent de bon niveau social et intellectuel, sauf en ce qui concerne les migrants, dont l'appartenance à une secte renforce d'ailleurs la marginalisation sociale.
2. Les groupes liés à l'ésotérisme et l'occultisme
Ce maquis en fort développement défie la classification :
Les groupes : Théosophie, Fraternité blanche universelle, Graal, Nouvelle Acropole, Arcane, Rose-Croix, Ordres pseudotempliers.
Les pratiques : acquisition des « pouvoirs », rites d'initiation, astrologie, spiritisme, etc.
Les croyances : la tradition primordiale comme lieu de révélation, la conscience comme voie de salut, la réincarnation, l'avènement prochain d'une religion cosmique (dont ils représentent les prodromes).
La multiplication de ces propositions semble répondre, entre autres :
- à un besoin religieux né de la peur de l'avenir et de l'inquiétude sur l'au-delà (22 % des Européens croient à la réincarnation, beaucoup s'intéressent à la « Vie après la vie », aux « Expériences proches de la mort » et à la communication avec l'autre rive)
- à un besoin de sécurité affective et spirituelle qui se satisfait de l'acquisition d'un savoir initiatique transmis du passé et procurant un salut individuel fondé sur la connaissance
- à un goût pour l'irrationnel, l'insolite, le mystère (de la parapsychologie, devenue religion de remplacement, aux groupes religieux autour des extra-terrestres)
- à la recherche d'une sagesse plus que d'une religion. Beaucoup désirent être des « spirituels » (« en recherche ») plus que des « religieux » (membres d'une religion constituée). Plutôt que de « retour du religieux », il faudrait parler d'avènement de « nouvelles spiritualités ».
Ces surgissements révèlent aussi un analphabétisme religieux grandissant, joint à une boulimie primaire de chaleur humaine et de spirituel à tout prix. De nombreux chrétiens pratiquent la double appartenance. Cela constitue un appel aux Églises pour une formation qui accepte de partir des besoins et questions des gens tels qu'ils les expriment, et pour une redécouverte de sa grande Tradition et de sa pratique mystique.
3. Cinq grands ensembles religieux qui posent réellement question
Ils posent question à l'Église catholique, parce qu'ils l'interrogent directement sur des points essentiels de sa pratique :
Les Témoins de Jéhovah, quant à leur prédication, leur vie communautaire, leur présence aux jeunes foyers, le temps consacré à l'étude de la Bible.
Les Évangéliques, quant à leur kérygme, leur style de vie et de prière.
Les Mouvements orientaux, quant à la connaissance et à la pratique de la mystique chrétienne et quant à l'existence de maîtres spirituels repérables.
La microculture ésotérique répandue par les médias, en ce qu'elle crée chez plusieurs les conditions de l'adhésion ultérieure à des mouvements constitués et, chez des chrétiens même pratiquants, déstructure la foi de ses éléments vitaux.
Le développement de nouvelles spiritualités hors Église, qui appelle à un fin discernement.
Né à la jonction d'une double crise des sociétés et des Églises, le phénomène sectaire représente un « défi pastoral » (Document de Rome, 1986).
Texte intégral : http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=57
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