2012-01-08

Béguinages flamands

La Béguinages, c'est une ville à part dans l'autre ville, un enclos mystique qui demeure comme un coin de prière inviolé. Seules quelques béguines peuvent encore logiquement circuler à pas frôlants dans cette atmosphère éteinte, car elles ont moins l'air de marcher que de glisser, et ce sont encore des cygnes blancs des longs canaux.

Dans les anciens Pays-Bas, les béguinages forment un patrimoine exceptionnel. Ils témoignent d'une longue aventure humaine et spirituelle : commencée au Moyen Age, elle a perduré jusqu'à nos jours. Les béguinages, une histoire de femmes entre elles !

"L'origine des béguinages ? Ce sont les croisades, qui laissent seules de nombreuses femmes, et le concile de Latran de 1213, qui fixe un numerus clausus pour les couvents...", explique Ludo Collin, le chancelier de l'évêque de Gand. Un homme de Dieu, qui suit attentivement la reconversion des béguinages rendus à une vocation laïque. 

"Ainsi, le béguinage naît d'un besoin de protection, de solidarité et de mysticisme. Le mouvement connaît un succès foudroyant. Il essaine aux Pays-Bas, mais aussi en France et en Allemagne."

Les béguinages n'auraient pas connu un tel retentissement dans le XIIIe siècle médiéval sans l'intervention de deux femmes : Jeanne et Marguerite de Constantinople, comtesse de Flandre. Elles favorisent l'éclosion des béguinages à Bruges, Gand, Courtrai, Ypres, Lessines, Lille, Mons, Douai et Valenciennes... 

En 1271, c'est le duc Jean I qui remet les statues du grand béguinage de Bruxelles.

Au début, les béguines bénéficient de la protection de l'Eglise, mais bientôt ce mouvement suscite une certaine suspicion. A l'Aube du XIIIe siècle, cathare et albigeois sont persécutés. Les cathares préconisent notamment l'égalité des hommes et des femmes. Alors, quand des béghards (hommes) et béguines (femmes) hétérodoxes choisissent une vie d'errance, sans domicile ni règle, le pape Clément V fait poursuivre et châtier ces "hérétiques " par l'Inquisition. La chronique rapporte que Marguerite Porete, béguine, est brûlés à Paris en 1310. Mais le feu du bûcher ne menace pas trop longtemps les béguines des Pays-Bas, qui sont sous la protection du comte de Flandre. Les femmes vivant dans les béguinages clos sont innocentées. Tandis que partout en Europe le mouvement s'étiole, en Flandre il s'épanouit.


Relâchement des moeurs

Au XVe siècle, les béguinages connaissent paix et prospérité sous le règne brillant des Bourguignons. Mais au siècle suivant, les troubles religieux se déchaînent aux Pays-Bas . Les affrontements entre catholiques et "gueux" (protestants) mettent le pays à feu et à sang. 


" Durant cette période de "furie" iconoclaste, les béguinages sont détruits reprend Ludo Collin, le chancelier gantois. Dans l'actuelle Hollande protestante, ils disparaissent." En ces temps troublés, les moeurs semblent se relâcher dans ces communautés. La chanson "petite béguine voulez-vous danser ?" évoque t-elle la réputation de légèreté de certaines femmes, plus tentées par la vie mondaine que par la prière ?


La vie religieuse reprend vigueur au XVIIe siècle avec le contre réforme qui donne aux béguinages un nouvel élan, poursuit Ludo Collin. Il existe alors une centaine de béguinages en Flandre. Protégés par l'archiduchesse Marie-Thérèse d'Autriche. La plupart des béguinages, aujoud'hui classés datent des XVIIe et XVIIIe siècles. A la Révolution française les biens des béguines sont mis sous séquestre et repris par les Hospices civils. Certains béguinages sont amors destinés à l'accueil des famille pauvres. Pourtant le mouvement est encore bien vivant et recrute dans las campagnes de la très catholique Flandre. Au XXe siècle, les vocation faiblissent, les dernières béguines de Belgiques ont aujourd'hui plus de 80 ans. 


Depuis les années soixantes, les béguinages - généralement rendus à la vie civile - ont été rénovés. Ils sont aujourd'hui des joyaux des villes qui su les conserver. Classés par l'Unesco au titre du Patrimoine culturel mondial, ils témoignent de la formidable vitalité de ce mouvement religieux de femmes soucieuses de défendre leur indépendance vis-à-vis d'une Eglise si longtemps masculine.




Béguines : des femmes entre elles


Des béguines de Gand, au début du siècle. 
        En haut, elles portent leur tenue de sortie ; en bas, elles ont revêtu le costume quotidien.


Au sein du béguinage, les femmes de toutes conditions - veuves ou demoiselles -ont trouvé protection sans pour autant renoncer à leur liberté et, éventuellement, à leur fortune. Les béguines échappent aux contraintes de la communauté conventionnelle et à l'austérité de la clôture. Elles faisaient voeux d'obéissance et de chasteté ; mais non de pauvreté. Ces voeux étaient temporaires, elles pouvaient les dénouer et étaient, en théorie, libre de quitter le béguinage. Cependant, leurs fautes pouvaient être sanctionnées ; les plus graves étaient " d'introduire un homme pendant la nuit " et le pêché d'impureté...

Le béguinage comportait une ferme, une infirmerie et la "table du Saint-Esprit" qui accueillait les béguines nécessiteuses. En revanche, celles qui jouissaient d'une fortune personnelle possédaient leur propre maison. Celles qui n'avaient pas de patrimoine étaient hébergées dans des couvents". Ces "femmes entre elles" travaillaient : elles se spécialisaient dans la dentelle, parfois dans des travaux plus rudes comme filer et tisser la laine et le lin.

Les guildes médiévales en prirent parfois ombrage, accusant les béguinages de concurrence déloyale !

La vie spirituelle était le socle du béguinage. Chaque béguinage honorait d'ailleurs sa sainte béguine, généralement autour de miracles. Les béguines ont toujours su protéger leur autonomie vis-à-vis de l'Eglise. Aussi ces communautés, basées sur l'autogestion et la solidarité, sont-elles perçues par les historiens comme une première tentative d'émancipation des femmes au sein de l'Eglise !



Béguines en habit beige...
Le terme de béguine a donné lieu à plusieurs interprétations. Les uns attribuent la création de l'ordre à saint Bègue, qui vécut au VIIe siècle ? Hypothèse peu plausible, selon les historiens, même si les béguines considèrent cette dernière comme leur patronne. D'autres estiment que Lambert le Bègue est le véritable fondateur. En 1173, ce prêtre pieux créa un premier béguinage à liège. enfin, l'étymologie la plus fiable serait que les béguines portaient un habit de couleur beige.


Texte original : http://membres.multimania.fr/montdhiver/beguinag.htm

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire